mardi 10 juillet 2012

Tour de France et propos de comptoir


Je vais profiter, cher lecteur, de la première journée de repos des coureurs et accompagnateurs du Tour de France pour dresser, à ma façon, le bilan d’une grosse semaine de course que j’ai trouvée plutôt chiante.

Sans avoir pour habitude de faire ma langue de pute, je dois bien reconnaître qu’à une rare exception près (la victoire française lors de la courte étape suisse), le spectacle est resté, sur le plan du suspense, particulièrement ennuyeux ; les deux seules questions étant de connaître les noms des coureurs faisant partie de la poignée de fuyards qui fausseraient compagnie au peloton dès le premier kilomètre pour se faire rejoindre à quelques bornes de l’arrivée après avoir compté cinq minutes d’avance, et celui du triomphateur de l’emballage final.

Quand j'étais gamin, les images à la télé belge étaient celles de fin d'étape, et l'heure de prise d'antenne dépendait du bon vouloir des organisateurs et du respect de l'horaire par les concurrents. En cas de retard, on voyait une roue de bicyclette sur l'écran, nantie d'une inscription « Tour de France vers telle heure... », et le chiffre parfois était modifié toutes les cinq minutes !

Aujourd'hui, les reportages télévisés sont longs : environ trois heures (quand ils ne couvrent pas l'intégralité d'une étape). Les commentateurs ont bien du mérite ! Heureusement, l’hélicoptère vient fréquemment à leur secours pour leur apporter matière à deviser, survolant tantôt la foule en délire brandissant des calicots, tantôt les assemblages colorés à la gloire du tour et du folklore local et, surtout, l’église Saint-Troufignon si chargée d’histoire avec son clocher du douzième siècle ; quand ce ne sont pas les ruines du château des barons de la Crottaucul, vilainement saccagé par les sans-culottes, les vikings, les troupes du roi de France et autres vandales ayant émaillé l’histoire de leur divertissante présence.

Mais revenons sur terre au vingt et unième siècle…

À un reporter interrogeant quelques personnes dans la foule qui se pressait le long des routes empruntées par le peloton, plusieurs spectateurs ont répondu qu’ils venaient voir… la caravane publicitaire. C’est vrai qu’elle roule aussi vite que les coureurs, mais le quidam peut espérer collecter sur son passage autre chose que des bidons vides et des relents de sueur. Et puis, c’est rigolo. En dehors de ça, par contre…

Bien sûr, il y a eu les deux exercices contre le chrono : les six kilomètres du prologue et les quelque cinquante de l’étape d’hier. D’aucuns pourront trouver ça spectaculaire – voire excitant s’ils aiment les athlètes en maillot moulant, équipés de lunettes de skieur et d'un casque à pointe –, mais côté suspense, une fois encore, nous aurons été chichement servis ; la plus grosse inconnue restant le nombre de minutes mises dans la vue des grimpeurs par les spécialistes de l’épreuve en solitaire.

Les chutes, c’est rarement drôle, surtout pour ceux qui en sont victimes. Et des chutes, nous y avons eu droit. Comme chaque année, dirons-nous ; en précisant cependant que cette fois-ci, aucune voiture d’accompagnement n’a encore pris de part active dans les joies du roulé-boulé dans les barbelés, ce qui n’a pas empêché certains malchanceux de l’édition passée de rempiler lors de l’actuelle.

Andy Schleck n’est pas tombé, puisqu’il n’est pas là. Son absence ne semble toutefois pas avoir donné les coudées franches à son frère, qui nous a offert le spectacle hilarant du cycliste cherchant désespérément après sa bicyclette après une chute collective ayant emmêlé la moitié du peloton !

Quand on songe aux propos de bistrot de juillet 2011, qui prétendaient qu’aucun des deux frangins luxembourgeois ne gagnerait le Tour tant qu’ils courraient dans la même équipe, ça laisse rêveur ! Aujourd’hui qu’il n’y en a qu’un, ça ne marche pas mieux. Leurs partisans les plus indéfectibles rétorqueront que le meilleur, c’est Andy. Soit. C’est vrai qu’il a déjà remporté une fois l’épreuve, mais on ne peut quand même pas déclasser le vainqueur chaque année !

Et tant qu’on est dans les considérations de comptoir, ne trouvez-vous pas Thomas Voeckler bien discret ? Il attend la haute montagne pour se montrer à son avantage*, sans doute… Enfin, moi, ce que j'en dis, hein...

Et pendant ce temps-là, Lance Armstrong réfute toutes les accusations portées contre lui. Remarquez qu’en général, il ne prétend pas ne jamais s’être dopé. Il se contente de répondre que tous ces vilains propos le concernant sont diffamatoires, puisque ses contrôles ont toujours été négatifs. Et même si… Comment le déclasser a posteriori et à qui offrir l’une ou l’autre de ses victoires ? À Ulrich, peut-être ?

Sans jouer les langues de pute – encore une fois –, je me dois de préciser que j’ai toujours trouvé étrange la domination de plusieurs coureurs issus de la même équipe. Les équipiers de Lance, par exemple, pétaient souvent le feu. Mais c’était parce que l’équipe était bien préparée. La preuve : une fois partis dans d’autres équipes, ces lieutenants de luxe n’en touchaient plus une ! S’ils avaient connu la recette, ils l’auraient reproduite, non ? À moins qu’il ne s’agisse de secrets de préparateurs physiques et de médecins d’équipe ? Un coureur connaît-il toujours précisément la composition de ce qu’on lui fait avaler ou sniffer ? Sait-il pertinemment bien ce que contient la seringue avec laquelle on le pique ?

Cette année, Bradley et ses potes semblent survoler la mêlée. Ils sont bien préparés, ça ne fait aucun doute. Un Tour de France, ça ne s’improvise pas.

Espérons en tout cas un peu plus de suspense pendant les deux dernières semaines, parce que ça m’ennuierait que le Tour soit déjà plié après le prologue, quelques côtelettes et un contre-la-montre.




* En effet ! (Édit. 11/07)

4 commentaires:

  1. Merci pour ce truculent article sur mon sport préféré.

    L'an dernier, on avait eu un tour exceptionnel, cette année, c'est chiant comme pas permis. En bon fan de Contador, je mise sur l'année prochaine.

    Mmh, je suis un peu de ceux qui prétendaient que les Schleck ne gagneraient pas tant qu'ils resteraient ensemble. Mais je n'avais pas prévu le rebondissement en cas de séparation : "je ne gagne pas car c'est mon frère absent qui aurait dû gagner et je ne veux pas lui piquer la place qu'il aurait dû avoir !".
    a propos, Andy aurait disparu depuis une semaine, sans donner signe de vie ni rien. j'espère qu'on nous le retrouvera.

    Je n'aime pas trop Bradley depuis qu'il avait été un des premiers à cracher sur Contador après sa suspension suite à l'affaire du steak. j'aime pas les mecs qui crachent volontiers dans la soupe où ils viennent tout juste de boire en cachette.

    j'espère qu'avec l'arrestation de Di Gregorio ils vont pas trop saouler avec le "sale tour" et toutes ces conneries.

    concernant Wiggins, je sais pas, je reste méfiant. je suis pas sûr qu'il va tenir sur les trois semaines. je vois dans les commentaires de l'Equipe nombre de gars qui voient le retour de l'US postal. moi, je suis pas encore convaincu.

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  2. Quant à Voeckler, l'an dernier il avait des ailes et il a toujours su que ça ne se reproduirait pas de si tôt. en plus c'est un mec bizarre, il est plein de hargne, je l'apprécie comme coureur mais je ne suis pas certain qu'il ait le profil d'un champion.

    Hum, je reviens à wiggins.
    ça me fait bien marrer les petites leçons d'éthique qu'il a données à Contador, quand on voit son putain de contre la montre de ouf d'hier.

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    1. Oui, il y a beaucoup d’hypocrisie autour du dopage. Je remarque toutefois que, lorsqu’un tricheur se fait prendre, les anciens vainqueurs du Tour ne crient jamais au scandale. En général, ils se taisent ou commentent laconiquement d’un « c’est triste » ou « c’est dommage ». Sous-entendu : « il a joué, il a perdu ; alors que moi, j’ai joué et j’ai gagné ».
      Rappelons qu’en la matière, ce qui n’est pas explicitement interdit est considéré comme autorisé. L’EPO était une trouvaille époustouflante qui a bien servi avant d’être interdite. Elle a encore servi après, il faut le reconnaître.
      Rappelons aussi que le dopage n’a jamais fait d’un tocard un champion ; et en considérant que tous prennent au moins un petit quelque chose, les meilleurs restent les meilleurs. Simplement, leurs performances sont un peu trop gonflées.
      Là où ça me titille, c’est quand ces pratiques prennent un côté scientifique qui met une équipe vraiment au-dessus du lot. Et cette équipe est rarement française. Les coureurs français sont parmi les plus surveillés du peloton tout simplement parce que la France elle-même est imprégnée de cyclisme. On surveille moins facilement ce qui se trame dans d’obscurs labos des USA. Et j’ai parfois l’impression que, dans certaines équipes, les secrets sont si bien gardés que les coureurs eux-mêmes ignorent qu’ils sont dopés. Le meilleur des secrets, c’est celui qu’on ignore.
      Maintenant, le vélo, c’est vraiment dur. Difficile de s’en sortir sans préparation physique de haut vol. Les organisateurs du Tour devraient revoir certains points de leur épreuve : faire des étapes plus courtes, par exemple. Et pourquoi ne pas réintroduire quelques demi-étapes ?
      Et puis, une autre chose qui me choque et qui s’est produite plusieurs fois l’an dernier, c’est le repêchage des coureurs arrivés hors délai. Les directeurs sportifs ont compris qu’on ne peut pas éliminer d’un seul coup la moitié du peloton ! Du coup, on incite les rouleurs et autres sprinters à rouler groupés sans se casser le cul dans les étapes de haute montagne, histoire de les garder en bonne forme pour la suite. On l’a bien vu en 2011, avec un maillot vert deux fois hors délai ; puis Martin et Cancellara qui font péter le chrono dans le dernier CLM alors qu’ils auraient dû, eux aussi, être mis hors course !
      Que les patrons du Tour prennent en premier lieu cette mesure toute simple : « tout coureur arrivé hors délai et repêché perd tous les points acquis dans les classements annexes ».

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    2. je suis tout à fait d'accord !!!!

      mais pourquoi un tel acharnement contre le cyclisme ???

      quand tu vois pourquoi Di Gregorio a été placé en garde à vue (en garde à vue putain !!!), t'hallucines... un matériel d'injection de GLUCOSE !!!

      après, c'est clair que les équipes comme Sky, tuent grave le spectacle. pauv Cadel !

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