mardi 25 février 2014

Comment tu fais pour pas grossir ?

Vous connaissez sûrement cette question, posée avec agacement, envie ou curiosité suivant les circonstances. Peut-être vous l'a-t-on adressée personnellement ou l'avez-vous entendu poser à une personne de votre entourage ? Peut-être aussi avez-vous déjà été amené à prononcer vous-même ces quelques mots ?

— Comment tu fais pour pas grossir ?

Il peut s'ensuivre un silence embarrassé ou un simple « rien » jeté comme ça entre un haussement de sourcils et un geste d'impuissance. Parce que c'est comme ça. Parce que nous ne sommes pas tous égaux sur la balance. Il y a des familles où l'on subit la tendance grasse et d'autres où l'on cultive sans effort la minceur voire la maigreur. C'est dans les gènes, dit-on.

— Comment tu fais pour pas grossir ?
— Heu...
— T'as la peau trop étroite, c'est pas possible ! Quand je vois ce que tu manges...

Oui, peut-être. Parce qu'on n'est pas tous faits pareils. Et que certains, apparemment, peuvent manier la fourchette presque sans retenue alors que d'autres voient leurs plus gros efforts de tempérance ruinés par le premier écart venu.

— C'est bien simple : rien qu'à regarder ce que tu manges, je me sens déjà grossir.
— Faut pas exagérer. On grossit pas avec les yeux.
— Non, non, c'est sûr, mais... Pfff ! J'en ai ma claque, moi ! J'ai déjà essayé plusieurs régimes, mais ça ne marche pas. Regarde, là. Tu vois ?
— Quoi ?
— Mon casse-croûte.
— Où ça ?
— Mais... là.
— Heu... Tu... Tu ne manges que ça ?
— Ben oui. Deux tranches de pain sans beurre avec du filet de poulet, un yaourt maigre et, pour plus tard, une pomme.

Nouveau silence et regards surpris d'un côté, contrits de l'autre.

— Et... c'est tout ?
— Hélas ! Oui.
— Mais... T'es dingue ! Si je devais me contenter de ça, moi, je tombe d'inanition.
— Je sais. T'as la peau trop étroite.
— Mais enfin... Faut pas faire comme ça. Tu te fais du mal !
— T'as beau dire, toi ! C'est ça ou les kilos que je reprends.
— Oui, mais... Tu maigris, là, à ne manger que ça.
— À peine.
— Là, y a un problème. Tu te rattrapes le soir ou le week-end.
— Non, non, je t'assure.
— Jamais d'écart de temps en temps ? Pas de fêtes ? Pas de bons repas en famille ?
— Si... de temps en temps, comme tout le monde. C'est difficile à éviter. Mais je fais attention, tu sais.

Nouveau silence, seulement troublé par un soupir du protagoniste à tendance forte.

— Tu devrais pas t'en faire pour ça. T'es comme tu es, voilà tout. Faut t'assumer.
— Ha, ha, ha ! C'est pas toi qui supportes le regard des autres ! Toi, on t'envie.
— Le regard des autres, tu t'en tapes !
— Eh ben non, justement ! Je voudrais bien, mais j'y arrive pas. Voilà. Et puis, être gros, c'est pas bon.
— Mais, t'es quand même pas...
— Si ! Et mon toubib m'a dit de faire gaffe, pour le cholestérol, la tension artérielle et tous les risques qu'il y a là autour.
— Et alors, tu manges deux tartines, un yaourt et une pomme.
— Ben ouais.
— Pour ta journée ?
— Hélas !
— Tu dis « hélas ! », donc tu reconnais toi-même que c'est dur, que c'est triste de vivre ainsi. Tu te gâches le plaisir. Faut arrêter les régimes.
— T'en as de bonnes, toi !
— Tu fais régime, tu maigris, tu craques, tu grossis. C'est l'effet yo-yo.
— Je sais. Pas la peine de me le dire. On le répète assez souvent dans les revues, à la télé, sur Internet... et même des collègues bien pensants.
— Désolé. C'était pas méchant. Juste pour t'aider.
— Mais oui. T'en fais pas. N'empêche que c'est râlant. À chaque régime, c'est le yo-yo, comme tu dis. Je perds, et puis quand je veux stabiliser, je reprends. Là, j'ai perdu trois kilos. Je devrais encore en lâcher deux fois autant.
— T'as commencé quand ?
— Il y a un mois.
— Et... depuis un mois, c'est deux tartines, un yaourt maigre et une pomme ?
— Y a des variantes, quand même. Hier j'avais des tomates, des concombres...
— Arrête !
— J'aimerais bien, mais...
— Non, non. Je dis « arrête » pour te dire d'arrêter de me décrire ce que tu manges. J'ai compris. Et je te dis maintenant qu'il faut arrêter de te torturer ainsi. Tu te fais du mal. Arrête les régimes.
— Merci du conseil ! Et quand j'aurai les cent kilos, tu me renouvelles ma garde-robe ?
— T'as encore de la marge, va !
— Hin, hin, hin ! Bien essayé. T'as facile à dire, toi. Tu grossis pas.
— C'est vrai.
— Tu manges tout ce que tu veux.
— C'est presque vrai.
— Presque ?
— Je mange à ma faim et je mange ce que j'ai envie de manger. Mais je n'exagère pas. Je ne me goinfre pas, je ne grignote pas devant la télé, je fais un peu de sport. Tu as vu que je ne prends jamais l'ascenseur ? Toujours les escaliers. Toujours.
— Ouais, ouais... Mais c'est quand même pas ça qui...
— Non, c'est sûr. Mais ça fait partie d'un ensemble. Comme des petits ruisseaux qui font de grandes rivières.
— En somme, tu voudrais que je me mette au sport, par exemple ?
— Tu fais ce que tu veux. Tiens, je vais te donner un truc : tu notes tout ce que tu manges.
— Tout ce que je mange ?
— Exactement. Tu prends un carnet et tu notes, chaque jour, tout ce que tu manges. Et tu notes aussi à quelle heure. Et tout ce que tu bois aussi.
— C'est chiant, de noter tout ça !
— Tout ça ? Pour ta journée, tu as juste deux tartines, un yaourt maigre et une pomme. Tu as juste à noter les heures auxquelles tu les avales.
— Oui, mais...
— Le matin, tu manges avant de partir ?
— Non, j'ai jamais faim. C'est trop tôt. Je bois juste un petit café, mais sans sucre ! Je mange plus tard, vers dix heures, mon yaourt. Et mes tartines à midi.
— Oui, oui. Et ta pomme l'après-midi.
— Te fous pas de moi.
— Je suis sérieux. Donc, dès demain, tu notes tout. Ce que tu bois, ce que tu manges, avec les heures, le détail et tout et tout. Et si tu manges un steak, tu indiques le poids. Les légumes, pareil. Et comme ça pour tout. En détail. Et tu fais ça sans tricher. D'ailleurs, tu mets tes collègues et ta famille au courant. Comme ça, si tu oublies de noter, on te le rappellera.
— Pour que je culpabilise ?
— Pas du tout. Si tu suis bien ton régime, tu n'as aucune raison de culpabiliser. Et même si tu manges plus que ce que ton régime t'autorise, ce n'est rien. Note-le. C'est tout.
— Et ça va servir à quoi ?
— À te rendre compte toi-même de ce que tu manges et bois, et de quand tu le manges et le bois. Et si tu fais un peu de sport, ou une activité physique comme monter les escaliers ou aller marcher une demi-heure ou une heure, tu le notes aussi.
— Ben oui, mais alors ?
— Je vais t'expliquer autrement. Supposons que tu aies des soucis financiers.
— Là, ça va. On roule pas sur l'or, mais ça va.
— Supposons que tu te demandes ou passe ton fric... Tu notes toutes tes dépenses. Tout. Du moindre chewing-gum à la boîte de cure-dents, de la tranche de pâté à la note de téléphone ; le loyer, l'argent de poche... tout, tout, tout. En notant toutes tes dépenses en détail, y compris le poids des côtelettes, la contenance de la boîte de fayots et le moindre centime que tu dépenses, non seulement tu sauras où va ton fric, mais en plus tu feras des économies.
— P'têt ben, oui.
— Eh bien ! Avec la nourriture, c'est la même chose.
— Tu crois ?
— Certain. Un régime, ce n'est pas une fin en soi. Il n'y a pas cinq ou dix kilos à perdre et puis basta ! Il y a des habitudes alimentaires à prendre. De bonnes habitudes. Par exemple, quand tu ne manges presque rien pour ta journée de boulot et que tu fais ton repas principal le soir avant d'aller roupiller, ce n'est pas bon.
— T'en as de bonnes, toi ! Quand on bosse et qu'en plus on a des enfants, on prend le repas complet le soir, non ? Qui ne fait pas ça ? Toi ?
— Je fais ça aussi. Le repas complet le soir. Mais c'est pas le soir que je mange le plus. C'est le matin.
— Ah, oui ?
— Les deux tiers de ce que j'avale sur une journée, en valeur énergétique, c'est avant treize heures. Et le soir, après dix-neuf heures... plus rien. Un peu d'eau, oui. Et parfois, l'hiver, une tasse de lait tiède avant d'aller dormir. Mais c'est tout.
— Et tu crois que c'est grâce à ça que tu es mince ?
— Non. Sans doute pas uniquement grâce à ça. Mais je suis certain que ça y contribue. Comme les escaliers que j'emprunte plusieurs fois par jour. Ce sont, comme je te le disais, tous ces petits ruisseaux qui font la grande rivière...
— Ouais. Et je suis obligé de te croire ?
— Non. Crois ce que tu vois. Et dis-toi que j'ai de la chance, que j'ai la peau trop étroite et ce genre de choses. C'est sans doute vrai. Mais ce n'est pas entièrement vrai. Quand tu auras tout noté pendant un mois, tu comprendras mieux ce que je viens de t'expliquer.

4 commentaires:

  1. Arf... C'est toujours compliqué, ce genre de trucs.
    Mais, oui, y a de ça. Notamment en ce qui concerne certains cas hallucinants.
    Et puis y a aussi des gens qu'ont une hygiène de vie de merde et qui mangent du coca du matin au soir en buvant des beignets devant la téloche, et qui demeurent tout maigrichons. (Mais c'est sans doute le canna qui va avec...)
    Et puis y a des gens qui font globalement comme il faut et qui restent... plus... rebondis.

    Mais effectivement, y a encore eu une étude, il y a pas longtemps, qui a montré que même les gens qui croyaient tout bien faire comme il faut, ben en fait non, ils faisaient pas tout comme il faut. Parce que la quantité n'allait pas, ou la régularité, ou la répartition, ou l'activité.

    Dans mon cas, j'ai constaté avec amusement que dix jours de camping en tente dans les Alpes sans alcool avec dix heures de rando par jour m'ont naturellement fait perdre plusieurs gros kilos.

    Depuis, je demande à mon patron de me muter dans un camping alpin pour aller tester des chaussures de randonnée sans alcool, mais ça ne l'amuse pas, semble-t-il...

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    1. Ce que j'ai remarqué, c'est que quand on cause de ça, il y en a toujours qui te disent "et pourtant je fais attention, etc." ; mais quand tu creuses un peu, tu remarques qu'ils entretiennent inconsciemment une image biaisée de leur réalité.
      Je me souviens d'une affichette qu'on trouvait dans les trains belges, il y a bien longtemps, et qui encourageait la prise d'un bon p'tit déj'. Le message était du style "le monde à l'envers : on jeûne pour aller bosser et on mange pour aller dormir". C'est une réalité. Plus la journée s'avance, moins il est utile de manger ; et nous faisons souvent le contraire...

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    2. Oui, bien sûr.

      Et notamment parce que c'est souvent LE repas convivial qu'on peut passer en famille en prenant un peu de temps pour papoter, pour boire un petit verre de vin, et traîner à table. Le matin, tout le monde est souvent speed ; le midi, les gens mangent sur le lieu de travail...

      Le mieux est peut-être finalement de cesser de travailler. Je vais proposer ça à la Sécu.

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    3. Ha, ha, ha ! Si elle répond, fais-moi signe !

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